Pourquoi je mets toujours “PERSONNEL” dans les objets des messages que je vous envoie
Votre patron a le droit de lire vos e-mails pros... et persos
Le secret des correspondances doit être respecté, dit la Cour de cassation. Mais en cas de doute, un courriel, même intitulé « Vacances en Grèce », peut être contrôlé.
Vous pensez peut-être que vos courriels professionnels ou strictement persos, hébergés sur le service de messagerie de votre boulot, vous appartiennent. En réalité, votre patron peut les ouvrir à certaines conditions.
Est-il possible de limiter cette intrusion ? Oui, vient de répondre la Cour de cassation. Mais jusqu’à un certain point seulement.
Explication:
Un licenciement annulé chez Nikon
Tout commence par une question : qui peut pénétrer dans votre ordinateur de travail ? Nikon a été l’un des premiers à obliger la justice à se prononcer, au tournant du siècle dernier.
L’entreprise reprochait à un chef de département un certain nombre de carences qu’elle souhaitait invoquer à l’appui de son licenciement. Pour le prouver, elle a effectué des recherches dans le fichier « Personnel » de l’ordinateur du salarié.
L’idée était mauvaise. La Cour de cassation a annulé en 2001 le licenciement aux motifs suivants :
« Le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée ; celle-ci implique en particulier le secret des correspondances ; l’employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non-professionnelle de l’ordinateur. »
Depuis, la jurisprudence s’est étendue aux courriels et a aussi affiné sa position et précisé les contours du sanctuaire personnel du salarié :
- seuls les courriers identifiés comme « personnels » sontprotégés ;
- l’employeur peut prendre connaissance des e-mails professionnels des salariés en leur absence.
« Personnel » dans l’objet de l’e-mail
Reste qu’il n’est pas toujours facile de faire la distinction entre messages professionnels et personnels.
Du coup, si le terme « personnel » n’est pas clairement mentionné dans l’objet du message, la justice apprécie au cas par cas.
La jurisprudence ne s’est pas encore prononcée par exemple sur les messages électroniques dotés de titres à consonance personnelle, tels que « photo Jules », « vacances en Grèce », etc.
Le règlement intérieur peut-il tout protéger ?
La nouveauté est tombée le 26 juin 2012 : il est désormais possible de protéger tous les e-mails, personnels comme professionnels. Pour cela, il faut que le règlement intérieur le précise bien. C’est la Cour de cassation qui le dit.
Voici l’histoire. A Rouen, dans une entreprise de marketing, un salarié est licencié pour faute grave. Pour prouver la faute, le responsable informatique et un huissier viennent constater en son absence qu’il a téléchargé sur son ordinateur des informations confidentielles de l’entreprise. Or, remarquent les juges :
« Le règlement intérieur de l’entreprise prévoyait que les messageries électroniques des salariés ne pouvaient être consultées par la direction qu’en présence du salarié. »
Le règlement ne fait pas de distinction entre le contenu professionnel et le contenu privé : pour la Cour de cassation, il faut en déduire qu’il s’oppose à la consultation de tous les fichiers et messages contenus sur l’ordinateur d’un salarié. En son absence seulement.
Que se passe-t-il alors, dans le cas de cette entreprise, si le salarié est présent, et dit non ? Pour l’avocat Stéphane Béal :
« Si le salarié est présent, l’huissier peut ouvrir les courriels. La présence du salarié est requise par le règlement intérieur, pas son accord. Le salarié doit simplement être là comme témoin, mais il n’a rien à dire. »
Quand les e-mails persos peuvent être lus
C’est la même chose, finalement, pour les e-mails intitulés « personnel ». Ils sont protégés, nous l’avons vu. Mais jusqu’à un certain point seulement, ont décidé les juges en 2009 :
« En cas de risque ou d’événement particulier, l’employeur est en droit d’ouvrir les fichiers et courriels, même identifiés par le salarié comme personnels, et contenus sur le disque dur de l’ordinateur mis à sa disposition. »
Là aussi il faut que le salarié soit présent, ou ait été « dûment appelé ». A partir du moment où c’est le cas, il n’a rien à dire, ses e-mails persos peuvent être ouverts sous ses yeux.
Qu’est-ce qui peut être considéré comme un « risque » ou un « événement particulier » ? L’interprétation est libre. Mais l’employeur a intérêt à avoir des présomptions sérieuses et des preuves contre le salarié – en vue d’un licenciement par exemple –, prévient Stéphane Béal. Car, pour couvrir ses arrières, l’employeur va être obligé de demander à un magistrat qu’on lui envoie un huissier. Sinon, s’il ouvre tout seul l’e-mail « personnel » et qu’il n’y trouve rien de croustillant, il sera en faute. Or :
« Le magistrat va évaluer le sérieux de la demande avant de se prononcer. Il faut donc que la demande soit vraiment légitime. »
En résumé....
En résumé, votre employeur peut :
- lire vos e-mails professionnels même quand vous êtes absent ;
- lire vos e-mails intitulés « personnel » s’il a des doutes sérieux sur votre loyauté et des preuves, contre vous, susceptibles de déboucher pour vous sur une sanction ou un licenciement. Dans ce cas, votre patron a intérêt à faire venir un huissier qui les ouvrira devant vous. Sinon, il court le risque, s’il fait chou blanc, d’avoir enfreint la loi
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